Une Bonne Journée

Titre : Une Bonne Journée
Auteur : Fabien Ménard

« On est foutus » répéta Glaerson pour la quatrième fois. »

Un sourire flotta un instant sur les lèvres du Capitaine. Il releva la tête et contempla le vaisseau à travers la verrière de la passerelle de commandement. Des nuages de débris flottaient autour de la structure du navire, cabossée et noircie sur les trois-quarts de sa surface. Un nuage de gaz de refroidissement s’échappait lentement d’une déchirure longue de vingt mètres sur le flanc bâbord, colorant la coque d’une lueur bleutée presque irréelle. Deux énormes trous traversaient la section de proue, causés par les torpilles qui avaient percutées le navire dès le début de l’affrontement. Sous les yeux du Capitaine, une autre plaque de blindage se déchira sans un bruit et partit à la dérive en tournoyant lentement rejoindre les monceaux de débris qui flottaient ici et là. Le regard du Capitaine revint se poser sur la passerelle, elle-même en aussi mauvais état que le reste du vaisseau. La verrière était craquelée et constellé d’impacts, plusieurs plaques du plafond avaient été arrachées par la violence des coups subis par la structure, et des câbles pendaient lamentablement un peu partout. Glaerson se pencha sur l’une des dernières consoles dont l’écran n’avait pas explosé et grimaça.

- On est foutus, répéta-t-il un nouvelle fois. Les ponts huit à douze sont décompressés, les moteurs ont grillés et on n’a plus aucune nouvelle des sections de proue et de bâbord. »

Tous les membres d’équipage de la passerelle se tournèrent vers le Capitaine, immobile dans son siège de commandement. Il continua de sourire, comme savourant une bonne blague dont il était le seul à saisir le sens. Puis il tourna lentement la tête vers l’officier de navigation.

- Lieutenant, utilisez les propulseurs de manœuvres d’urgence pour nous faire dériver vers tribord. »

Un officier pointa un doigt vers l’espace au-delà de la verrière. Au loin, des lumières tremblotantes se regroupaient et se mettaient en formation. Glaerson poussa un juron, et écarquilla les yeux en voyant le sourire du Capitaine s’élargir un peu plus. Il ouvrit la bouche pour exprimer son mécontentement mais fut interrompu par une brusque secousse qui ébranla le vaisseau sur toute sa longueur. L’officier de navigation grogna une vague excuse et continua à manœuvrer les propulseurs d’une main experte. Lentement, le mastodonte agonisant commença à s’éloigner de sa trajectoire. Les points brillants grossirent derrière la verrière et bientôt le Capitaine pu distinguer les formes des vaisseaux ennemis qui approchaient pour la mise à mort. Une nouvelle secousse se répercuta le long du navire, et d’autres débris se détachèrent de la coque, venant grossir le sillage d’épaves laissé par le vaisseau. Glaerson étouffa un cri en voyant les vaisseaux adverses pointer leurs tourelles dans leur direction. Ils seraient à portée de tir dans quelques instants maintenant.
Un éclair de lumière attira son regard en périphérie de son champ de vision, bientôt suivis par d’autres alors que de nouveaux vaisseaux émergeaient du Warp et se positionnaient pour faire feu. Avant que l’escadre adverse ne puisse réagir, un véritable déluge d’énergie jaillit des canons des nouveaux arrivant, pilonnant la flotte ennemie sans pitié. La première salve éventra la coque de plusieurs vaisseaux, et les survivants rompirent la formation au milieu des explosions et des débris, tandis que leurs agresseurs continuaient à tirer sans relâche, ne leur laissant aucune chance. Depuis la passerelle ravagée du cuirassé à la dérive, le spectacle était proprement hallucinant, les décharges d’énergies zébraient l’espace en un feu d’artifice de feu et d’acier, réduisant à néant les coques blindées et les vaisseaux de leurs adversaires. Toujours immobile dans son siège, le Capitaine observait la déroute et l’éradication des vaisseaux ennemis sans cesser de sourire. C’était une bonne journée.